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petits bonheurs et grandes joies
28 décembre 2015

Carnet de voyage

{Irmelin - Opéra: Prélude, Delius}

 

 

 

 

 

 

 

visuel

H. Matisse, Nature morte, nappe rose, vase d'anémones, citrons et ananas (1925)

"Menton. L’Italie commence, on le sent dans l’air. Petites rues à hautes maisons blanches, étroites, à peine si la voiture y peut passer. Avant d’arriver et en sortant, la route est plantée de lauriers rosés, cactus et palmiers. Essaim de mendiants. Enfants. Promenade que j’ai faite au bord de la mer, sur le grand chemin. Oliviers et montagne à gauche. Cimetière. Figure pâle du fossoyeur, homme maigre sous son bonnet de laine grise. Quel admirable cimetière en vue de cette mer éternellement jeune ! Pas de croix, pas un tombeau ! L’herbe est haute et verte ; à peine s’il y a des ondulations légères qui font ressembler les champs des morts à des champs de blés fauchés. Qu’y germe-t-il en effet ? L’âme y fermente-t-elle pour repousser dans un autre séjour en nouveaux parfums, tandis que sa vieille enveloppe pourrit ? II nous a montré le côté des hommes et le côté des femmes, il nous a nommé les tombes les plus fraîches, en se vantant de tout le mal qu’il a eu, de tout l’ouvrage qu’il a fait depuis plus de trente ans qu’il ensevelit les gens du pays. Sérieux de sa profession, sans pédantisme, comme une chose naturelle et pourtant digne de remarque"

G. Flaubert, "Voyage en Italie et en Suisse" (1845)

Merveilleux cimetière du vieux château à Menton. Ma petite Baptistine a trouvé l'endroit si joli qu'elle m'a demandé à y être enterrée. Étrange préoccupation d'une toute jeune fille. Peut-être est-ce ces tombes si anciennes et cosmopolites, recouvertes d'énigmatiques noms russes ou allemands. Peut-être est-ce cette petite chapelle orthodoxe, enfouie dans les cyprès, dont le bulbe doré se découpe sur le fond bleu de la mer. Peut-être est-ce la juvénilité de ses occupants, de ces hivernants venus de l'Europe du Nord ou de l'Est, que l'on devine succombants à cette maladie "romantique" du XIXème siècle, cette terrible tuberculose. Peut-être, tout simplement, parce que c'est  l'un des plus beaux cimetières de France et que, même à quinze ans, on a le droit d'y être sensible.

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